Monday, May 10, 2010

Space Oddities

À considérer la production récente de "space movies" à Hollywood, on aurait tendance à se demander, avec plus ou moins d'irritation : mais qu'est-ce qui se passe dans l'espace ? En effet, voyons voir : dans Event Horizon (1997) il ne se passe pas grand chose ; dans Pandorum (2009), pour ainsi dire rien. Juste les muscles de Cam Gigandet (le voyou qui fait basculer Marissa dans une vie dissolue dans The O.C.) à la minute 86.

Deux films pourtant qui bénéficient de ce qu'ils ne sont pas : des références. Tous ces autres films de l'espace, dans le sillage de Star Strek et de Star Wars, qui avaient et ont toujours quelque chose à dire sur l'espace. Par la suite, quelques objets oubliables quoique délirants : Total Recall, Starship Troopers... Voilà ! ça c'est du film de l'espace ! Sans rien dire d'Alien, évidemment.

Non, décidément, c'est inquiétant. Les space movies de demain seront-ils plus imaginatifs, plus poétiques et surtout plus compréhensibles ? Car le problème majeur d'Event Horizon, par exemple, c'est son scénario sans logique. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne comprend pas ce qui se passe ; mais tout est faussement complexe, la réalité est alternativement réelle et alternative, les personnages sont des images d'eux-mêmes (des projections hallucinatoires, ou autre jargon du même ordre) et, comme on dit, "le passé revient les hanter" de temps en temps, sous forme de jolies actrices qui sourient à travers leurs boucles blondes. Pareil dans Pandorum, d'ailleurs ; les souvenirs sont toujours ceux d'une jeune blonde souriante. Un indice quant au public visé.

Cette idée de mélanger réel et virtuel, de brouiller les temporalités ou les identités, pourtant, ça sonne bien. Qu'a-t-on fait de mieux, en matière de série sur l'espace, que Battlestar Galactica, qui fondait toute sa progression sur ces deux problèmes : "Qui est-on" et "Quand est-on"? Les luttes de pouvoir à bord du Galactica, seul vestige apparent de l'espèce humaine, traduisaient la condition d'une humanité menacée par la dérive éternelle vers l'oubli, par le grand vide de l'espace ; et si l'argument récurrent de la série était de "find Earth", c'était parce que l'homme a besoin d'une assiette stable pour comprendre qui il est. Quand à la temporalité, dans Battlestar Galactica, c'était de plus en plus compliqué et passionnant à mesure qu'on approchait de la fin ; et le dernier épisode nous emportait dans un vertige incroyable, à mille lieues d'où l'on pensait être.

Rien à voir avec l'"hypersommeil" dont les pitreries actuelles font leur beurre. D'ailleurs tout ce vocabulaire, tout ce décorum a fait son temps. Le plan initial qui longe le vaisseau pour bien montrer combien il est différent (et donc voisin) de tous les autres vaisseaux spatiaux qu'on a vu dans notre vie, il faudrait arrêter. Les deux ou trois héros qui se réveillent, de façon complètement arbitraire, après huit ans de sommeil, pareil : on connaît. Si au moins il y avait derrière de tels clichés une vraie nécessité, une vraie signification, comme dans The Planet of the Apes ou 2001: A Space Odyssey. Dans le premier, Taylor (Charlton Heston dans sa forme olympienne des années 70) se réveille après bien plus de huit années, mais il n'en sait rien, et le spectateur non plus ; il faut regarder le film, regarder les suites du film et compléter la série pour saisir entièrement le système temporel (magistral) dans lequel on nous a entraîné (bon, c'est du Pierre Boulle, aussi). Dans 2001, plus simplement, le sommeil comme toutes les autres activités des deux astronautes montre combien ils se reposent sur la machine, combien il lui font confiance et relâchent leur attention. Tandis que dans Pandorum (ah là là, Pandorum...), dès qu'ils sont réveillés, les deux personnages principaux s'agitent dans tous les sens : il faut comprendre, élucider, trouver des indices. Comme on s'en fiche, il faut multiplier les dangers, les risques ou les problèmes ("Do you hear me?" phrase favorite des scénaristes de Pandorum). Peu importe ensuite que la clé de l'énigme n'ait aucun sens ; en l'occurrence, des aliens tout à fait semblables à des humains, hormis leur nez (ils n'en ont pas) et leur instinct de mort surdéveloppé, apparaissent subitement et renversent le film dans le gore le plus insipide. Si on pousse l'effort d'interprétation jusqu'au bout (c'est optionnel), on comprend sans doute que ces aliens sont en fait les projections hallucinatoires des humains en proie à une confusion spatio-temporelle. Ah ! Maître-Mot : "confusion". Tout est confusion dans un vaisseau spatial, normal, on est dans l'espace. On peut s'autoriser toutes les confusions.

C'est bien le problème : personne n'est réellement fasciné par l'idée d'un film qui se passe entièrement dans un vaisseau spatial. Je me trompe ? Alien, d'accord. Star Trek, à la limite, d'accord (dans mon souvenir, ils passent quand même assez souvent d'une planète à l'autre). Ailleurs, le vaisseau n'est pas le but, c'est le moyen. Et c'est bien normal : tout de même, à part une carcasse pleine de boutons, de cables et de couloirs vides, un vaisseau spatial, ce n'est pas grand-chose. Il y a une salle des contrôles en forme d'amphithéâtre, avec au mieux un capitaine charismatique (Battlestar Galactica, Star Trek), au pire un vieux débris qui s'avère être la clé du mal : Sam Neil (Event Horizon), Dennis Quaid (Pandorum). Ni l'un ni l'autre ne me tiennent vraiment à coeur, mais j'ai pitié de leur erreur de jugement ; comment accepter de jouer ce type vieillot, agressif, sottement génial (Neil) ou irrémédiablement fatigué (Quaid) ? Qu'y a-t-il de séduisant dans des rôles pareils ? Du reste, n'en parlons plus ; ce sont des films épuisés, sans intentions, sans beauté, sans histoire. Des carcasses, eux aussi.

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