Thursday, May 6, 2010

Fire walk with me

Dans la catégorie "Maintenant que je suis plus grand et que mon regard sur le monde a changé, je revois les bouses de mon adolescence avec une ironie un peu plus réjouissante" : Volcano. Ah ! Volcano... À dire vrai je ne l'avais justement pas vu quand, en 1997, au beau milieu d'autres disaster movies tels que Independance Day, Dante's Peak, puis Armageddon et Deep Impact (époque "bénie" de l'avant 11-septembre), débarquait sur nos écrans cette sorte de vérité absolue du film catastrophe qu'est Volcano. En effet, comme le soulignait hier soir mon ami Louis, on se trouve là face au degré zéro du film catastrophe : rien n'est plus stupide qu'un volcan débarquant en plein milieu de Los Angeles. Il n'y a rien d'autre à faire que paniquer, tenter des actions sans suite, se lamenter des dégâts qui s'accumulent, être bloqué dans le métro. À l'occasion, on peut aussi être géologue, comme Anne Heche, et prédire (mais sans certitude : "I'm a scientist : certainty is a BIG word !") qu'il va falloir s'attendre à pire encore.

Donc dans ce film, la chose est claire : on va juste tout détruire. Plus question d'attaque extra-terrestre ou autre fléau de l'espace. Le mal n'a qu'un nom : "lava". À en juger par certains gros plans sur la lave en fusion, avançant de sa cadence tranquille et dramatique dans les rues de L.A., le volcan est manifestement hostile à la race humaine. "The Lava Bomb !" s'écrit la géologue pour informer le reste de la population (bien joué d'ailleurs : on est en pleine nuit et en temps réel, ce qui évite le recours à l'évacuation et limite le nombre de figurants). Cette Lava Bomb (dont on comprend mal l'importance de la nommer : c'est juste une boule de lave, on a compris d'emblée) vous regarde de toutes ses braises et vous envoie des pépites enflammées (avec un bruit caractéristique, entre le feu d'artifice et la flèche empoisonnée) à ne pas sous-estimer ; c'est l'équivalent volcanique de l'alien de base.

Or il est déjà arrivé qu'on s'en prenne à une ville et qu'on cherche le meilleur moyen de la détruire ; c'était l'argument des "Body Snatchers", ces affreuses bestioles végétales qui vous envahissent, créent une copie de votre corps et vous laissent tomber en poussière ; dans la version des années 70, c'était San Francisco qui en pâtissait ; déjà, alors, la métaphore urbaine et ses multiples signifiants éclataient à l'écran, et c'était d'ailleurs assez splendide. Dans Volcano, la déclaration d'amour à L.A. ne fait pas de doute ; le générique de fin défile sur la chanson "I love L.A." ("In New York city, it's cold and damp etc.", on comprend assez vite l'ode au paradis californien) ; et quant au film lui-même, il n'en finit pas de citer les bons coins de L.A. : Wilshire Blvd, le Beverly Center, le Tar Pit... on sort des plans gigantesques de la ville, on réfléchit au meilleur itinéraire jusqu'à l'océan (car il ne fait de doute pour personne qu'une fois la lave dirigée vers l'océan, on a gagné). Il y a un "discours" sur L.A., évident dès la séquence d'ouverture, sorte de montage éclectique (et peut-être meilleur passage du film) qui présente une ville tout occupée de ses futiles et multiples activités, relayées par des médias en pleine puissance, dans une morosité et une impression de fracture sociale faite d'inégalité raciale, d'enfer urbain et de technologies en plein essor. En contrepoint on voit soudain la lave, dans les abîmes de la terre, qui fusionne à plein régime, ignorante de ces aléas contemporains. On entend se mêler les voix de plusieurs journalistes présentant les nouvelles ordinaires de la journée ; plusieurs langues (l'anglais et l'espagnol), plusieurs styles, plusieurs registres : c'est L.A., lieu de la diversité culturelle. Plus tard, on insiste lourdement sur un point : l'hostilité raciale. Il va falloir que ça change. Qu'à cela ne tienne : face au furieux volcan, tout le monde est le même ("Look ! Everybody's the same now", dit le petit garçon sauvé du désastre, en voyant les visages des gens couverts de cendres volcaniques), on doit s'entraider, aussi le pauvre black menotté (car grande gueule) par le méchant flic nazi (car chauve) est libéré et fait montre de sa force hors du commun.

À la fin, qui triomphe ? Non pas la famille, comme dans 2012 ou The War of the Worlds, puisque Anne Heche vient piquer la place de l'ex-femme de Tommy Lee Jones (encore que les orientations sexuelles de la géologue, influencées par l'actrice qui l'interprète, ne soient pas bien claires) ; non pas le Président, comme dans Indépendance Day ; non pas même un élément insoupçonné et cocasse, comme le reggae qu'écoute la grand-mère de Mars Attacks! ; non, la victoire vient de la ville elle-même, de ses gens, de leur bonté cachée qu'une catastrophe révèle; la fin, splendidement ratée, en reste sur cette note de joie, sur cette bonne humeur collective d'avoir accompli exactement tous les changements de comportement que le volcan exigeait. Si quelqu'un reste méchant, comme ce personnage de magnat de l'immobilier (John Corbett, inoubliable Aidan Shaw dans Sex&the City, à qui pourtant on donnerait le Bon Dieu sans confession) qui veut sa femme pour lui tout seul, alors qu'elle est médecin et qu'elle essaie de "sauver des vies", on trouvera un moyen de lui faire payer son tempérament (la tour qu'il vient de construire est détruite pour diriger la lave du bon côté).

C'est un projet et un propos cohérents, puisque c'est un film en temps réel ; comme dans 24h, les changements radicaux de caractère ou de réaction se justifient par l'imminence du danger. Ainsi, évidemment, la fille de ce (vieux) type qu'est Tommy Lee Jones passe de la condition d'idiote capricieuse à celle d'héroïne sortie des flammes. On n'en attend pas moins de quelqu'un qui survit à Volcano.

La dernière image du film est amusante : dans un terrible panoramique aérien montrant l'ouverture désormais accomplie du cratère au milieu de la ville, on voit s'inscrire en lettres informatiques : "Mont-Wilshire Volcano. Status : A-C-T-I-V-E." Au cas où on aurait l'outrecuidance de ne pas aussitôt désirer une suite.

No comments:

Post a Comment