Wednesday, March 31, 2010

purpose for writing

Something that a professor said to me yesterday was very enlightening. We were talking about an idea of mine for writing a paper and after I told her about it, she kind of avoided the specifics and told me about some other books generally about my topic that I should look into. I noted these and then quizzed her once again about my particular approach to the topic and she responded with another question. The important thing to think about is why approach a topic from a particular point of view? What makes it useful/ important or worthwhile? 

To make things clearer (although I'm not sure that it will) I will talk a bit about the particularities of my project. In thinking about cities, Prof. Roy has used Freud's notion of The Uncanny to describe the modern city in general. Specifically the most famous passage from the essay in which Freud is walking through an unnamed Italian city and keeps happening upon the street filled with "painted woman", the final time experiencing a feeling of uncanny-ness. Interestingly, it is not very clear how this anecdote reflects the later definition of uncanny that he gives us, which is anyways very unclear. The uncanny is brought about by something which is both familiar and unfamiliar at the same time. This can be caused by something which has become unfamiliar through the process of repression, or by something that "reeks" of infantile impulsive urges. Either way, there is the sense that through repetition, unpleasant feelings are aroused in the viewer which he further connects to his "compulsion to repeat" that he elaborates in Beyond the Pleasure Principle

I want to connect this idea to the post-modern phenomenon of gentrification. Gentrification is the process by which capital investment in "undeveloped" areas raise property values in these areas thus displacing the "original", or at least current residents. It is not, however, a process that happens overnight, but one which takes place over time. It has been important in City Planning theory because it was an unexplainable phenomenon under the tenants of the Chicago School or Urban design which was unable to explain re-investment in blighted city centers except as anomalies. It has become clear that gentrification is not an anomaly, however, since it has taken place throughout Europe, America and Australia even in medium and smallish cities. 

The process of gentrification is indeed one of alienation. A repetition that makes a place strange to current residents. Getting back to my original point, I think that what makes the uncanny a worthwhile subject to think about in terms of gentrification is the repression of the knowledge of past residents of an area. Current residents, however attached they are to a certain area, are never the "original" ones, if this term can even be used here. Perhaps the uncanny nature of gentrification, or the repressed content of gentrification that rises up through the alien landscape are exactly the memories of these past inhabitants. I'll keep you updates on my progress with this issue. Off to the library now!

Sunday, March 28, 2010

Stop telephoning me-eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh-eh

Un petit séjour à Los Angeles nous a lancé John et moi dans un débat compliqué, d'autant qu'on parlait surtout en anglais pour inclure notre ami Louis. Mon tempérament révolté se révoltait de la multitude de voitures : voilà de quoi on partait. Question assez simple. Les défenseurs du progrès, du capitalisme, de l'économie réelle et du marché mondial (toutes catégories dont je ne suis pas) disent avec angoisse : "La voiture, moteur de l'économie moderne", "Sauvons le secteur automobile", "Vous voulez des emplois, c'est dans l'industrie automobile que vous les trouverez" ; tandis que les utopistes décérébrés de mon espèce s'étonnent qu'on ne se soit toujours pas rendu compte des multiples dangers et dégâts déjà accomplis par la voiture, accomplis un peu plus chaque année depuis bientôt un siècle, ou que si on s'en est bien rendu compte on ne fasse rien pour freiner le développement de cette technologie manifestement coûteuse, polluante et, petite touche personnelle que je veux bien expliquer, aliénante. Ce qui aliène dans la voiture n'est pourtant pas aussi fondamental que ce qui est offert : la liberté de circulation, l'autonomie, le confort. Mais le bruit, la laideur des villes, la tristesse des autoroutes, l'effrayant comportement de ceux qu'on appelle toujours "certains conducteurs" et qui sont pourtant si nombreux...? Bref, va-t-on continuer à produire et à lâcher chaque année sur les routes de nouveaux milliers de voitures, pour intensifier encore un peu plus la saturation des villes, rendre absolument systématiques (mais c'est déjà le cas) les embouteillages des heures de pointe, et vouer définitivement toutes les villes du monde (à part peut-être Venise et Amsterdam, trop endiguées) à devenir des L.A. percées de quatre-voies dans tous les sens ? Le problème réside surtout dans le fait que personne, ni moi, ne souhaiterait se passer de voiture quand une voiture est nécessaire. Mais tout le monde a-t-il la même conception du nécessaire ? Je trouve curieux par exemple qu'aux États-Unis l'ambition majeure et le signe de réussite évident d'un adolescent est d'obtenir sa voiture le plus vite possible. D'avoir une voiture. À vingt ans, à vingt-deux ans, à vingt-six ans, je n'avais toujours pas besoin de voiture (hormis l'été, et ce n'était pas la mienne). Et je n'en ai toujours pas aujourd'hui. Si l'on s'observe bien, avant d'avoir une famille à gérer, des voyages à organiser, une vie collective à mener, une voiture est un luxe un peu ridicule. Parfois mon sac de courses est assez lourd sur mon vélo, mais ça va, je survis.

On en était là. John était d'accord avec mon réactionisme scandalisé. Mais un peu plus tard, je me suis mis à appliquer peu ou prou la même logique à l'encontre du téléphone : est-il bien raisonnable de se tenir autant au courant, par messages ou par appels, de la progression des événements de la journée ? "Je te rappelle dans cinq minutes", par exemple, phrase qui va finir par devenir emblématique de notre époque, et qui accuse si clairement la faiblesse d'esprit que le téléphone développe en nous. On se rappelle parce qu'on ne sait pas quoi décider sur le moment, et que le temps téléphonique coûte cher. Ou bien on se donne rendez-vous quelque part, et en arrivant au lieu en question, plutôt que de faire le tour de la place (ce qu'on aurait fait il y a quinze ans), on appelle. "T'es où ? - Je suis là. -Ah je te vois". On rit, on raccroche, on est ridicule une seconde, mais rien de grave.

Or je trouve tout de même que c'est un peu grave - voire assez grave. L'outil technologique a toujours eu pour but d'être une extension du corps qui amplifie le pouvoir de l'homme et développe sa conscience. Il suffit de penser à l'ellipse magistral de 2001 : L'Odyssée de l'espace, où l'os de l'homme préhistorique devient le vaisseau de l'homme de l'espace. Mais il y avait un avertissement dans la suite du film : l'outil, la technologie, ne fonctionne avec bénéfice que supléé par l'intervention de la conscience. Il faut donc garder conscience de l'extension de conscience permise par la technologie. Phrase un peu sentencieuse ou, encore une fois, un peu réactionnaire, peut-être, mais je crois qu'on n'a pas encore sérieusement, à notre époque, réfléchi aux implications nouvelles de la technologie sur notre rapport à la conscience. On n'a après tout jamais eu affaire, avant le vingtième siècle, à l'effet de réduction spatiale que permettent ces outils, le téléphone, la télévision, et maintenant Internet que l'on pourrait nommer le télécomputer. Facile d'indiquer la distance par un préfixe grec : est-on au point pour autant ? Sur le téléphone portable, puisque c'est ce dont il s'agit ici, on a lu depuis le milieu des années 90 toutes les possibilités d'articles de journaux, d'analyses scientifiques, de comptes-rendus de tous ordres, pour avertir des dangers, se plaindre des nuisances ou condamner les mauvais usages. On a digéré tout ça en hochant plus ou moins de la tête, on a essayé de s'améliorer, on voit encore des gens parler n'importe comment au téléphone dans les transports mais, au moins, on n'est pas ces gens-là (qui, encore une fois, sont toujours "certains usagers"). On ne va probablement plus beaucoup entendre parler des aspects négatifs du téléphone portable (à moins que l'appel à cancer se vérifie), car c'est l'un des seuls secteurs dont on peut être sûr de la croissance pour les décennies à venir, et on va s'habituer (autrement dit, les générations à venir vont s'habituer) à garder dans la poche ce petit destructeur d'espace (expression volontairement dramatique). Je n'appelle pas du tout à une confiscation des téléphones portables, ni même à une réduction de leur production, je trouve que c'est une invention formidable comme Internet est une invention formidable (c'est déjà moins sûr de la télévision), mais j'aimerais qu'on arrête de consommer bêtement, d'appeler bêtement dès qu'un minuscule détail n'est pas clair, qu'on fasse un peu plus confiance à la conscience qu'aux produits qu'elle invente. Parce qu'on a besoin de l'espace, de la distance, pour exister en tant qu'être humain. Par exemple (mais il n'est pas besoin de développer outre mesure), est-il bien sage que de nos jours on se désespère de ne pas recevoir de message de tel ou tel, ou qu'on connaisse avec autant de précision les règles de communication qui président aux débuts d'une relation amoureuse (appeler au bout de trois jours, au pire envoyer un message mais jamais deux fois de suite, etc., les comédies américaines en sont pleines).

Bref, cette question-là recueille beaucoup moins l'unanimité, ce que je peux comprendre. J'espère seulement qu'un Kant du futur s'élèvera un jour pour donner sa critique de la communication à l'ère contemporaine, et qu'on ne deviendra pas tous des cyborgs. En tout cas, vivre à l'étranger permet un rapport assez privilégié avec le téléphone : je n'ai qu'une dizaine de contacts dans mon répertoire, et de toute façon je ne comprends rien quand on me parle.

Wednesday, March 17, 2010

Allons enfants

Qu'a-t-on fait depuis la (fameuse) Révolution pour asseoir les (fameuses) devises de la République ? C'est vrai, je suis libre de sortir dans la rue à toute heure du jour, de choisir mes prières, mes amis, mes études, mon appartement, ma nourriture, mes journaux. Je suis moi-même libre d'écrire ce que je veux, de penser, de protester, de me plaindre, éventuellement de désobéir (mais n'allons pas trop loin). La liberté, donc, la liberté chérie, quand on n'est ni marié ni voilé ni handicapé, fonctionne à peu près en tant que valeur sociale. Encore ne faudrait-il pas s'en tirer une gloire nationale : sans doute la France a-t-elle contribué à cet état de fait (abolir la royauté, après tout, c'était bien une avancée historique de la liberté), mais de nos jours tout le monde – tout le monde civilisé ? – mange sa part de liberté ; c'est même devenu une frénésie, car maintenant que tout va vite, maintenant qu'on trouve tout au même endroit (sur la toile), on voudrait voir se déployer les unes après les autres toutes ces petites libertés cachées qu'on n'osait pas invoquer aux siècles précédents.

C'est surtout la suite du frontispice qui laisse perplexe. Sans même revenir sur "Égalité", mot historiquement absurde et qu'on pourrait gloser par "S'il vous plaît, un peu moins d'inégalité pour les pauvres gens", la "Fraternité" n'a décidément toujours pas pris corps sur le territoire de la République. Qui tiendrait à soutenir le contraire ? Comment d'ailleurs en serait-il autrement ? Sans même chercher à excuser le mot en lui trouvant des synonymes (qu'on aurait dû alors mettre à sa place, et qui d'ailleurs ne se vérifient pas tellement non plus : "solidarité", "accueil"...), on peut s'interroger sur la naïveté crédule de deux siècles de patriotisme à la française, au cours desquels on a continué à invoquer comme la grande réconciliatrice du genre humain cette "fraternité", dont le terme même indique une restriction naturelle au cadre familial. Et on a bien peu osé se lever pour dire : non, tous les hommes ne sont pas frères, seraient-ils tous Français.

Qu'est-ce qui, de nos jours, est fraternel entre des citoyens sans liens familiaux ? N'est-on pas heureux de quitter Paris quelques jours, épuisé de la rancoeur ou de l'impolitesse des gens ? N'est-on pas chaque mois révolté par les agissements de quelques personnes "au pouvoir", qui décident de qui reste et de qui part ? Entre renvoyer quelqu'un sur la terre, ravagée ou en guerre, de sa famille d'origine, et envoyer au front ou dans les camps les pauvres diables des années 40, où sont le progrès et l'épanouissement fraternels ? Ou encore, puisqu'il faut sûrement lire les archives de la nation d'un oeil un peu subtil, que cherche-t-on à nous dire par ce maître-mot de fraternité ? Gentillesse, bienveillance, respect du prochain ? Honnêtement, tout ça n'est pas bien sérieux ; pourquoi pas "Intelligence", "Modestie", "Pacifisme" ? Si l'idée d'être tous frères a quelque chose de grisant, c'est bien parce que c'est une idée absurde ; absurde, et finalement inutile : que nous dit la "fraternité" sur la société que nous voulons, sur les idéaux des générations à venir ? Est-ce bien la valeur la plus intéressante, la plus riche, la plus élémentaire de toute société, donc de la nôtre ? Une "fraternité", aux États-Unis, c'est une maison partagée par quelques étudiants qui comptent faire la fête pendant quatre ans ; certains adorent, d'autres se pincent le nez, mais personne, en tout cas, n'en ferait le noyau, le paradigme, la solution des sociétés modernes. Plutôt un joyeux bordel qu'il faut savoir quitter à temps.

Rien n'est plus respectable, évidemment, que l'intention de quelques révolutionnaires enhardis d'inscrire la nation dans un quelconque tryptique de valeurs ; c'était l'époque. Qu'on nous rabatte encore les oreilles de ces prétendues vertus, qu'on s'en gargarise, qu'on les clame avec profondeur ou avec fierté, c'est aujourd'hui ridicule, obsolète et scandaleux. Je refuse de croire en l'égalité comme en un avenir radieux, car rien n'est fait dans notre pays, dans notre époque, ni dans aucun pays ni dans aucune époque, pour établir réellement l'égalité. Je refuse de reconnaître fraternelle une nation qui, comme toutes les autres, se compose d'inconnus qui, s'ils ne se haïssent pas, ne cherchent en tout cas pas à se comprendre ni à s'aimer. Je refuse de penser que la question d'une nation, d'une société, d'une civilisation, repose dans le besoin de se comprendre, de s'aimer, d'être frères. Assez de ce christianisme au rabais.

Tuesday, March 16, 2010

Folie des journaux

"Dans notre écriture (écrit un auteur de gauche), des contraires qui, en des temps plus heureux, se fertilisaient les uns les autres, sont devenus des antinomies insolubles. Ainsi la science et les belles-lettres, la critique et la production, l'éducation et la politique, s'écroulent dans le désordre. Le théâtre de cette confusion littéraire est le journal, et son "sujet" satisfait, qui se refuse à toute autre forme d'organisation que celle qui lui est imposée par l'impatience des lecteurs. Et cette impatience n'est pas seulement celle du politicien en attente d'information, ou du spéculateur en quête d'indices ; ce qui couve, c'est l'impatience de l'homme sur la touche, qui croit avoir le droit de voir exprimés ses intérêts propres. Le fait que rien ne lie plus fortement le lecteur à son journal que ce désir d'alimentation quotidienne, a depuis longtemps été exploité par les éditeurs, qui consacrent constamment de nouvelles colonnes à ses questions, opinions, protestations. Ainsi, l'assimilation indistincte des faits va de pair avec l'assimilation tout aussi indistincte des lecteurs, qui sont aussitôt élevés au rang de collaborateurs. En ceci, cependant, se dissimule un moment dialectique : le déclin de l'écriture dans la presse bourgeoise s'avère être la formule de sa renaissance dans la presse de la Russie Soviétique. Car, comme l'écriture gagne en largeur ce qu'elle perd en profondeur, la distinction conventionnelle entre auteur et public, distinction soutenue par la presse bourgeoise, commence dans la presse soviétique à disparaître. Car le lecteur est de tout temps prêt à devenir un écrivain, c'est-à-dire un descripteur, mais aussi un prescripteur. En tant qu'expert – même si ce n'est pas sur un sujet mais seulement sur le poste qu'il occupe – il gagne accès à l'autorité. Le travail lui-même obtient son tour de parole. Et le compte-rendu qu'il donne de lui-même fait partie de la compétence nécessaire à son exercice. La qualification littéraire n'est plus fondée sur une éducation spécialisée mais, plutôt, polytechnique, et elle relève par là-même de la propriété publique. C'est en un mot la littérarisation des conditions de vie qui maîtrise ces antinomies autrement insolubles, et c'est dans le théâtre de la profanation effrénée du monde – le journal – que se prépare son salut." (Walter Benjamin)


Adorno imité par Benjamin

Chez Walter Benjamin comme chez Adorno, on ne saisit pas de quoi il va être question dans un fragment donné à la seule lecture de son titre: le lien qui finit par expliquer son choix est tenu tout entier dans un éloignement, et donc une subtilité de symbolique que seul pourra refléter l'ensemble du texte. Quelques titres chez Benjamin ont ainsi une portée d'abord énigmatique, puis signifiante par retour, par relecture. On ne comprend d'ailleurs les deux titres consécutifs de One-way Street, "Flag..." et "...At half-mast" que l'un par l'autre, et la compréhension de chaque fragment se fait dès lors mystérieuse dans son avancée, mais parfaitement accomplie dans sa destination. Le drapeau à mi-mât, comme la vie à mi-vie, est immédiatement, mais une fois complétée, l'expression d'une certaine lassitude souriante de l'existence. Et en effet, si une personne très proche de nous vient à mourir, "we greet him at the last in a language that he no longer understands." Il y a en même temps de la déploration et du plaisir dans l'image d'un drapeau à mi-mât. La temporalité du plaisir, qui est celle qui appartient essentiellement au langage, et qui est constituée de surgissements, est contrariée par la temporalité inverse de la mort, qui au contraire arrive ou passe par absence, qui pour certains est déjà faite et qui donne au langage soudain employé une place entre les temps, une place sans espace.

Une autre audace de titre s'éprouve à la lecture de "Panorama Impérial" ("A tour of German Inflation"). On sent tout de suite par un titre et un sous-titre pareil qu'on va avoir affaire à des problématiques qui sont du même ressort et de la même logique que chez Adorno : peut-être rencontre-t-on simplement chez Benjamin un vocabulaire plus ancré dans les valeurs qui précipitait son époque vers la ruine, vocabulaire qu'il utilise pour déjouer, pour expliquer : "The silent, invisible power that Central Europe feels opposing it does not negotiate. Nothing, therefore, remains but to direct the gaze, in the perpetual expectation of the final onslaught, on nothing except the extraordinary event in whitch alone salvation lies." Sans être chrétien ni freudien, Benjamin propose une éthique idéale à son époque, une croyance, une espérence de rédemption, mais qui se présente aussi comme un événement extraordinaire : comme un événement qu'il faudrait justement toute la ferveur d'un chrétien ou d'un freudien pour attendre, comme on attend les miracles. Si une espérance de l'avenir est possible, pour Benjamin, c'est dans la mesure seulement où elle peut être correctement présentée, expliquée, justifiée. Le miracle de la survie n'est compris en profondeur qu'en miroir de ce qu'est son contraire : "The assumption that things cannot go on like this will one day find itself apprised of the fact that for the suffering of individuals as of communities there is only one limit beyond whitch things cannot go : annihilation. " La prédiction fait froid dans le dos, et elle interroge en même temps, plus profondément, l'éthique révolutionnaire ; car le lexique en question, avant d'être proprement l'huile nazi par excellence, est simplement révolutionnaire : il suppose la considération d'un changement, d'une "solution".

Benjamin heureusement ne garde une opinion que le temps de la dire. Et la phrase expose ainsi toutes les possibilités de poser une équation morale : "On the one hand, money stands ruinously in the center of every vital interest, but on the other, this is the very barrier before which almost all relationships halt ; so, more and more, in the natural as in the moral sphere, unreflecting trust, calm, and health are disappearing." Le constat est tranchant, blessant : on ne s'en sort pas dans l'époque moderne, tout comme on ne s'en sort pas chez Adorno. Peut-être manque-t-il encore à Benjamin la tristesse de la sortie de guerre, si minable, si longue, que Minima moralia fait sentir avec tant de déception : chez Adorno, en effet, on sent le monde souillé, le monde continuant à vivre tandis qu'il est déjà irrémédiablement souillé, le monde s'enfonçant dans sa déchéance. Chez Benjamin cette tristesse est tout simplement impossible, quoiqu'elle soit déjà réelle par anicipation : " It is impossible to remain in a large German city, where hunger forces the most wretched to live on the bank notes with which passers-by seek to cover an exposure that wounds them."

Friday, March 12, 2010

Mission Statement plus California

This blog will be devoted to whatever we feel like it: cultural events, film critique, reading responses, newsworthy events. Any of the above and more could find their way to our pages. It will also be a bilingual French/English publication. So sorry for those who won't be able to read half of the posts, and good luck for those who can't but will try anyways! Finally, its purpose is to encourage Jeff and I to write more, so here's to hoping that it will work!

Now that that is over, let's talk about something:

Jeff and I went to the March 4 protest in Sacramento on Thursday. For me, this was a strange experience. Although I am no longer a Cal student, I still have connections with the university. I am auditing classes right now and I also hope to benefit from the university in the future, either through being a student or in other ways that I cannot even know yet. Either way, I feel invested in the future of the University of California and so it was important for me to be there supporting my fellow Humanities professors and students (the lack of participants from the sciences and other well-funded departments was not discussed as far as I know, but was duly noted and will be discussed later on in this post).



Overall the Protest was much more of a protest. That is, it claimed itself to be really important, groundbreaking, "history-making" when in fact it was a small gathering of people with fairly disparate interests, all claiming a "day of action" which was actually just a morning of standing and listening. Speakers kept going on about how the crowd was "all the back to there" when it was only a hundred feet. Although apparently this day represented the first time that a walk-out had been "coordinated" throughout the whole California Public Education System, there were really only representatives from a handful of schools (UCB, UCD, UCSC, and Sac State, as far as I could tell). While it claimed a lot, I wasn't really convinced that I was participating in what I was being told that I was participating in. 


However, I did get to talk to a news guy who asked me questions while I was filmed. I wasn't particularly articulate now did I provide any "sound bites" and so I don't think that I was put on TV, but he did ask me an interesting question: since there was a simultaneous protest in Berkeley, why did I come to the one hosted in Sacramento? The reason that I came to Sacramento was to go with Jeff and so get out of Berkeley for a morning, to take a trip, so to speak, and the reason I gave him was that I thought it was important to be at the law-making center of California, which I didn't realize was one of my reasons until I had already said it. It turns out that this was actually a good reason, since I found out about AB 656, a bill sponsored by Assemblymember (long word) Alberto Torrico which would tax oil companies in CA and give the estimated $2 billion in revenues to Public Education. Sounds good huh? here's the website: http://www.couragecampaign.org/page/s/StandUp4Students


Besides this glimmer of light, the other main problem is the lack of support from a large chunk of the University. It's not just that most people at UCB went to class on March 4th, it's the fact that the division between the professors that held class and those that didn't falls so clearly between the Humanities and the Sciences. Of course this is an over-generalization, but not by very much, as you can see at this website: http://saveuc.org/members.html. Of course to most readers this division seems predictable. Of course scientists aren't interested in revolution: they are too busy thinking about atoms. This however, is a ridiculous thing to say. The departments of science at UC Berkeley are not complacent merely as a result of their subjects, but due to a systematic series of buyouts of these very departments by Corporate Capital and the income that these departments generate for the university in relation to Humanities departments.


In a certain sense, we have allowed our universities to mutate into pseudo-corporations, the chancellor acting as a kind of CEO and departments acting like divisions of the business. Knowledge is abstracted into a commodity and then only becomes useful insofar as it can generate more capital in the form of money. This eliminates argument when a the CEO-chancellor decides to downsize or eliminate departments: there is nothing to be said about quantitative analysis based on the exchange value of a commodity whereas the use value of certain knowledges over others is still a space for constructive debate. Until then, we need more money.

Thursday, March 11, 2010

Barthes contemplateur de Proust

Il y a peut-être deux Barthes (image grossière) : le Barthes des années cinquante, traversé de structuralisme et de jargon sémiologique ; et le Barthes des années soixante-dix, perdu dans une fragmentation de figures, de motifs et de références. Le premier écrit Le Degré zéro de l'écriture, essai critique, "dossier critique" ; le second écrit les Fragments d'un discours amoureux, "dossier d'interviews". Lui-même était conscient de la transformation : "L'interview tend à remplacer la critique."

Appliquée à l'étude d'un auteur tel que Proust, cette inflexion prend du sens. Dans les années cinquante, la critique proustienne était encore pour ainsi dire inexistante : Beckett avait eu le courage de publier son petit essai ; mais dans l'ensemble, on s'observait : c'était à qui se lancerait le premier. Barthes n'hésite pas et parle de Proust dans son ensemble, comme une oeuvre majeure, une pièce maîtresse de la Littérature (de ces années date chez lui l'usage d'une majuscule respectueuse). "Il fallut peut-être attendre Proust pour que l'écrivain confondît entièrement certains hommes avec leur langage" ; "En France, cela a commencé avec Proust : c'est l'attente elle-même qui a formé l'épaisseur d'une oeuvre dont le caractère suspendu a suffi à fonder la parole de l'écrivain". Autant d'analyses qui consacrent, qui enluminent la Recherche du temps perdu. Proust, dit Barthes, a inauguré l'écriture moderne car, le premier, il donne des personnages qui "se condensent dans l'opacité d'un langage particulier". Proust a libéré l'écriture de son "innocence", car "il vise à l'acte littéraire traditionnel, mais le remet sans cesse, et c'est au terme de cette attente jamais honorée que l'oeuvre se trouve construite malgré elle." Proust a su rompre avec les "jargons pittoresques" qu'on trouvait chez Balzac, et il a su annoncer les "écritures neutres" de l'après-guerre : Camus, Sarraute, Robbe-Grillet.

"Cela ne veut pas du tout dire que je sois un “spécialiste” de Proust : Proust, c'est ce qui me vient, ce n'est pas ce que j'appelle ; ce n'est pas une autorité ; simplement un souvenir circulaire. Et c'est bien cela l'intertexte : l'impossibilité de vivre hors du texte infini." (Le Plaisir du texte) C'est là une appréciation plus tardive, où se mêle déjà au discours le "je" de Roland Barthes ; ce qui est intéressant pour lui chez Proust, c'est le souvenir qu'il en a, la "scintillation" qu'il en tire. L'association d'idée.

C'est bien ainsi que Proust revient par la suite sous sa plume : un détail, un geste, une parole perdu dans l'océan de la Recherche éveille son intérêt, reprend une figure qu'il est en train d'étudier et lui donne du relief. À propos de la figure "Altération" (Fragments d'un discours amoureux), voici ce qui "lui vient" : "Albertine ayant lâché l'expression triviale “se faire casser le pot”, le narrateur proustien en est horrifié, car c'est le ghetto redouté de l'homosexualité féminine, de la drague grossière, qui se trouve révélée d'un coup : toute une scène par le trou de serrure du langage." Un rien, un mot, une expression, ouvre sur tout un monde. Si l'on est intrigué, tenté ou horrifié, c'est parce qu'on a accès, mais de loin, comme un étranger. Au lieu d'apprendre quoi que ce soit d'un peu ferme, on obtient les bribes d'un langage obscur, incompréhensible.

Tout a été dit, ou est en train d'être dit, sur Proust dans les années soixante-dix : nul besoin de souligner un sens, une structure, une dialectique. C'est plutôt l'insignifiant, le détaché, l'à peine, qui fascine Barthes. "Charlus prend le menton du narrateur et laisse remonter ses doigts magnétisés jusqu'à ses oreilles, “comme les doigts d'un coiffeur”. Ce geste insignifiant, que je commence, est continué par une autre partie de moi ; sans que rien, physiquement, l'interrompe, il bifurque, passe de la simple fonction au sens éblouissant, celui de la demande d'amour. Le sens (le destin) électrise ma main : je vais déchirer le corps opaque de l'autre, l'obliger (soit qu'il réponde, soit qu'il se retire ou laisse aller) à entrer dans le jeu du sens : je vais le faire parler." ("Contacts" in Fragments d'un discours amoureux)

Comme Proust lui-même l'aurait souhaité, Barthes finit donc par lire chez Proust ce qui résonne en lui : ce qu'il vérifie. C'est le geste de Charlus, mais c'est le tremblement d'amour de cet "amoureux" qui parle par fragments. Il n'est même plus question de l'oeuvre de Proust mais de Proust lui-même dans Le Neutre, cours au Collège de France (1977-78) : c'est la "retraite proustienne", la réclusion de l'auteur, qui finit par occuper l'esprit de Barthes ; plus peut-être que le résultat, que l'oeuvre elle-même. "Vie de Proust : m'a toujours fasciné : je crois : très nouveau : une façon nouvelle de poser le rapport de la vie et de l'oeuvre : peut-être un cours là-dessus. Je réserve le sujet". On n'en saura pas plus...

Wednesday, March 10, 2010

Une journée de colère en Californie

Comment se déroule une manifestation aux États-Unis ? À première vue, c'est exaltant : on en discute pendant les cours, tout le monde est au courant, des mails circulent, un service de bus gratuits est mis en place. On sent bouillir la colère ambiante. Le jour même, on se lève tôt, on emporte une pomme, de l'eau, un appareil photo, un portable, un parapluie (articles précisés par la circulaire). Mais arrivé devant les bus, on ne voit pas grand monde ; peut-être est-on un peu en retard, les autres sont déjà en route vers Sacramento, pour manifester devant la maison du Gouverneur. Ceux qui sont encore là attendent. On ne se parle pas beaucoup, on n'a pas encore l'impression d'être "dedans". D'ailleurs une bonne dizaine de policiers surveillent la scène du coin de l'oeil (mais ils seront bien plus nombreux une fois à destination).

Précisons que la manifestation en question concerne les réductions de budget dans l'éducation supérieure de l'État de Californie : une manifestation d'ordre local, donc. Les "budget cuts" ont d'ores et déjà frappé les départements de langue vivante, et ils menacent sévèrement les matières dites d'humanités : histoire, littérature. Les réductions portent massivement sur les classes, ce qui ne convient ni aux professeurs, ni aux étudiants. Du reste, on peut mettre en doute la méthode même de la réduction de budget dans un secteur tel que l'université.

Devant le palais du Gouverneur, il y a effectivement du monde ; mais c'est encore ce qu'on peut appeler un groupe : une petite foule. L'effort a été mis sur les pancartes, les affiches géantes, le podium. Il y a un podium. Pendant deux heures, les intervenants se succèdent pour crier une rage parfois intéressante, parfois franchement épisodique, parfois mal comprise. À deux reprises, une chanson ; à trois reprises, un sketch ou "performance", entreprises souvent courageuses mais énigmatiques. On reprend des phrases qui éveillent l'enthousiasme ("Let's fight", "Yes we can"), on écoute un sénateur, un directeur d'étude ou une étudiante expliquer ce qu'ils savent et ce qu'ils pensent de cette situation dramatique. On est déjà tout convaincu, mais rien d'autre n'aura lieu : pas de rencontre avec Schwarzenegger (et puis quoi encore), pas de violence, pas d'engouement public (Sacramento, c'est un peu mort), pas de mesures concrètes. Si l'on tient vraiment à ce que les choses changent, on peut toujours participer à la nouvelle manifestation, toute semblable, qui aura lieu dans deux semaines.

Chacun a le droit de s'exprimer, "It's a country of free speech". Tout le monde s'exprime, mais il ne faut pas s'attendre à porter le fardeau d'un sujet plus grave, plus urgent, plus capital que celui du voisin. La manifestation est un phénomène d'ordre (pratiquement) privé aux États-Unis.

Dans l'allée qui mène au coeur du campus universitaire de UC Berkeley, la plus grande université publique de la Bay Area, on voit tous les jours des gens qui manifestent. Avec leurs pauvres moyens, bien sûr, et sur les sujets qui les intéressent. Tant que la police n'a pas à intervenir. Aussi, il paraît légitime de voir un portrait d'Obama affublé d'une moustache hitlérienne, et de lire en-dessous : "Impeach that" (message, du coup, assez confus). De même qu'il semble légitime à certains de faire lire à tout le monde, noir sur blanc : "Israel wants peace. Arabs refuse."

Bien sûr, ces tribunes n'ont pas de soutien, et on ne les revoit pas le jour suivant : d'autres les remplacent. Le but aura été seulement de faire entendre sa voix pour une matinée, pour deux ou trois heures. Mais, si personne n'est chassé, personne non plus n'est admis à la table des négociations. On arrive, on pose sa plainte, on peut faire un peu de bruit, mais on s'en va dans le calme.

Une autre vision de la démocratie...