Wednesday, May 12, 2010

Arabesque

L’arabesque est une figure dont le cinéma n’a qu’assez peu exploré les capacités de transcription mécanique. Figure peinte, elle apporte, mise en mouvement, une confirmation d’elle-même ; un redoublement certes, mais dont il est justement audacieux d’évaluer l’écart. Ainsi dans un plan extrêmement lointain et aérien de Lawrence of Arabia, Lawrence sorti de la Fournaise qu’il avait bravée en martyr jusqu’à l’heure la plus insoutenable de la journée se fait accueillir par son guetteur en un enroulement de la trajectoire de son chameau à l’encontre de son maître, dans une manière presque ralentie d’entourer l’autre en l’élargissant. Certainement une bonne façon de souligner l’arabesque. D’autant plus grandiloquente que son modèle l’est, la technique utilisée s’affiche avec ironie, avec une légère désinvolture, parce que si sûre d’elle-même, si farouchement arnachée à sa musique impeccable, si sûre de l’effet qu’offre la lumière du sable, si consciente d’elle-même en tant que tableau. Une fois tous ces scupules affranchis, il n’est plus besoin de craindre l’interprétation : elle n’est plus la même. Dès lors, d’ailleurs, lorsqu’on compare tout de même la somme énigmatique et antidatée des Sept piliers de la sagesse avec le trajet par flèche sur un parchemin du film, on maintient tout de même sa légitimité au film, qui par ses propres moyens a lui aussi réussi à mettre en mouvement une forme immobile pour créer des arabesques. La coïncidence dans ce nom de la figure de style et des lieux narratifs n’est peut-être pas à prendre au pied de la lettre. L’emprise de mouvement est après tout une image de l’homme qu’ont pu agiter toutes formes de dynamiques. Le fait même des légendes, des Sagen, étant un phénomène de cycles, d’années, de rumeurs constituées, l’effet de bouger s’en trouve justifié. L’effet de bouger des ombres sur le mur du palais d’Ivan le Terrible d’Eisenstein est ainsi entièrement signifiant : il y a la même fuite des années dans le mouvement décrit par l’image que dans les années elles-mêmes. Un effet, comme d’autres plus aisés finalement, de raccourci du temps. La technique a ses secrets.

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